Changement et défis
En cet automne 2022, la phase d'assemblage de la machine, engagée depuis deux ans et demi, venait buter sur un sérieux problème : la mise en évidence de « non-conformités dimensionnelles&²Ô²ú²õ±è;» affectant les trois secteurs de chambre à vide déjà réceptionnés dont l'un, associé à d'autres éléments pour former un des neuf « modules&²Ô²ú²õ±è;» de la chambre toroïdale de la machine (module n°6), était en place depuis plusieurs mois dans le puits d'assemblage du Tokamak. Si les deux secteurs non-installés pouvaient être réparés sans trop de difficulté, la situation du troisième s'annonçait beaucoup plus problématique.
Bien que délicate et complexe, une procédure de réparation in situ demeurait envisageable. La découverte de fissures dans le circuit de refroidissement d'écrans thermiques non encore installés, allait bientôt la rendre inapplicable.
Causées par un phénomène de « corrosion sous contrainte&²Ô²ú²õ±è;» lié au soudage des tuyauteries du circuit de refroidissement, la présence de fissures soulevait une question cruciale : le problème était-il circonscrit, ou bien affectait-il la totalité des écrans thermiques, dont ceux qui équipaient le module déjà en place dans le puits d'assemblage ? « Quand on trouve des fissures sur trois panneaux, c'est une alerte rouge, estimait Pietro Barabaschi au mois de janvier 2023. Parce qu'il y a des centaines d'endroits où des fissures similaires peuvent se développer&²Ô²ú²õ±è;». °ÄÃÅÁùºÏ²Ê¸ßÊÖ décidait d'opter pour la solution la moins risquée: démonter et remplacer toutes les tuyauteries (23 km au total !) des circuits de refroidissement de la totalité des écrans thermiques.
Compte tenu de la position de ces éléments, pris en sandwich entre le secteur de chambre à vide et les deux bobines verticales au cœur du module, le démontage, et donc l'extraction du module n°6 s'imposait.
Tandis que se résolvaient les difficultés de nature industrielle, la fabrication et la livraison des éléments et des systèmes se poursuivait. Sur site, la fabrication par l'Europe des deux dernières bobines annulaires (24 mètres de diamètre) requises pour la machine touchait à sa fin (PF4 était finalisée au mois de juin ; PF3 aborde les tests finaux). Trois bobines verticales ont été livrées par le Japon et par l'Europe (une quatrième est en route), et la bobine annulaire et PF1 est arrivée de Russie au mois de février. En place dans la fosse du Tokamak (PF6 et PF6), stockées ou en passe de l'être, les six bobines qui ceinturent la machine sont toutes, désormais, at home sur le site d'°ÄÃÅÁùºÏ²Ê¸ßÊÖ.
Deux figures familières ont rejoint la direction générale du programme : le Japonais Yutaka Kamada au poste de directeur général adjoint (Science et Technologie) au mois de mars et le Chinois Luo Delong à celui de directeur général adjoint (Administration) le mois suivant. Autre figure familière, Eisuke Tada a mis un terme à sa longue carrière au service de la recherche sur la fusion, dont près de deux décennies à °ÄÃÅÁùºÏ²Ê¸ßÊÖ où il a notamment assumé l'intérim de la direction générale au lendemain du décès de Bernard Bigot au mois de mai 2022.
Les douze mois écoulés ont également été marqués par un bouleversement profond. Pendant des décennies, la recherche sur la fusion avait été presque exclusivement conduite par des institutions publiques ou gouvernementales. Aujourd'hui, des dizaines de start-ups, massivement financées par des fonds privés (plus de 2,5 milliards d'euros pour la seule année 2022) ont été créées dans le monde entier. Explorant de nouvelles options technologiques, elles ambitionnent de maîtriser la fusion de manière industrielle et commerciale dans des délais record. Dans ce contexte, un article de Newsline posait dès le mois d'octobre cette question cruciale : « Quelle est la valeur d'°ÄÃÅÁùºÏ²Ê¸ßÊÖ en tant qu'instrument scientifique ?&²Ô²ú²õ±è;»
La réponse qu'apportent deux des responsables scientifiques du programme, Tim Luce et Alberto Loarte, fournit une conclusion pertinente à la liste de nos lectures d'été.